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20 octobre 2014 1 20 /10 /octobre /2014 11:07
La tradition musicale protestante constitue un patrimoine commun à toutes les confessions religieuses ou presque. Il n'est pas rare de retrouver certains airs dans la liturgie de certains groupes, au point d'entretenir le sentiment qu'on aurait été espionné. Un bref retour historique nous montre que c'est bien le contraire.
L'Eglise Adventiste a largement puise dans le répertoire commun aux églises protestantes, et a ajusté son hymnologie en fonction de ses projets d'évangélisation.

La Réforme Protestante a été confrontee à un dilemme résumé dans la position des deux grands réformateurs que sont Martin Luther et Jean Calvin. Ces deux penseurs majeurs de la Réforme, se sont affrontés sur la liturgie. Luther, musicien, grand flûtiste et compositeur de plus de mille cantiques, dont le plus célèbre, ". C'est un rempart", avait le souci d'une évangélisation facile, rapide et accessible à tous. Sa théorie pour former une liturgie adaptée consistait à prendre des airs communs, folkloriques, très connus, auxquels il suffirait d'ajouter des paroles bibliques, afin d'en faciliter l'usage. C'est ce qui explique la présence de nombreux airs séculiers dans certains recueils. Ces airs sont chantés religieusement et avec âme sans se soucier de leur origine profane.

Calvin se tenait à l'opposé de cette tendance. Il préconisait davantage la création destinee au culte et préférait se passer de musique dans sa liturgie si elle n'avait pas été composee a cet effet. Sa priorité et tait la Parole, ce qui justifie la longueur des sermons. L'usage d'instruments de musique pour accompagner l'assemblée se limitait à l'orgue, le piano à cette époque etait assimilé aux instruments diaboliques, à cause de son usage dans les cabarets.

On peut mieux comprendre pourquoi dans l'église Adventiste certains ne regardent que dans le rétroviseur. Pourtant, nombreux sont ceux qui ignorent aujourd'hui qu'elle a été la démarche de l'église adventiste francophone pour se constituer un hymnaire, que certains pensent de culture adventiste. Il suffit de jeter un œil sur le celebre et bon recueil "Hymnes et Louanges", pour se rendre compte que ces hymnes n'ont rien d'Aventiste, ni dans la composition, ni dans le style, puisque la plupart des œuvres sont d'origine profane et folklorique. Rare sont les cantiques d'origine purement protestante, mais un un n'est de compositeur adventiste.

Comme au moment de la Réforme, l'Eglise adventiste en 1863, etait confrontée à un problème identitaire, et son désir de démarcation s'est exprimé comme toute église naissante, dans sa liturgie, inspirée par tous les courants qui la traversait à l'origine. N'oublions pas que majoritairement, les pionniers étaient d'obédience Baptiste et Méthodiste. Leur "culture" musicale en matière de liturgie se fondait largement sur le psautier de Genève, l'unique recueil d'inspiration protestante, dont la plupart des airs se trouvent dans le " Church Hymnal" très repandu dans la communauté adventiste anglophone, ce qui explique son utilisation dans la plupart des pays du monde où l'anglais est parlé.

Du reste, les anglophones sont tout autant surpris d'entendre les francophones chanter certains airs communs aux deux communautés, et ne manquent pas de reconnaître que les deux hymnaires sont très differents, car nombreux sont les airs spécifiques aux deux. Pour ceux qui ont eu en main ces deux recueils, " Hymnes et Louanges" et " Churchill Hymnal", ils observeront que le recueil francophone est truffé d'airs de composition classique et baroque tirés du répertoire profane, alors que la proportion est bien plus faible dans le recueil anglophone. C'est pourquoi, il est difficile, voire insensé de vouloir créer a partir d'une seule source une culture adventiste qui en fait devrait être la somme de plusieurs composantes pratiquement impossibles à unifier.
Une autre observation, peu évidente pour ceux qui restent figés geographiquement, mais qui saute aux yeux chaque fois qu'on dépasse son propre horizon, c'est de découvrir qu'à côté de chaque recueil de chant "officiel", il y a une activité grandissante de compositions tant en langues locales, que dans le style musical ambiant. Ceci dénote d'une volonté de s'identifier clairement, dans un refus de la mondialisation qui tend à gommer les légitimes spécificités.

Parler de culture adventiste sans tenir compte de la variété des cultures qui composent l'adventisme, par le simple fait que l'église adventiste, longtemps américaine est désormais mondile et majoritairement tiers-mondiste, pour reprendre une expression surannée. Quand on sait que les deux tiers de la population adventiste, près de Dix neuf millions, se retrouve en Afrique, en Amérique centrale et du sud, et en Asie, il y a à parier que cela se fera sentir sur la liturgie. De plus, on sait que la majorité des membres en 2025 sera issue de ces zones et constitueront un groupe qui n'aura pas connu les traditions de l'église et formera une culture bien à elle. Cette culture nouvelle sera la nouvelle culture adventiste. Certains se remueront dans leur tombe comme c'est le cas qui dans les années soixante dix-quatre vingt, interdisient l'utilisation de la guitare électrique et ou de la batterie jazz à l'église aux Antilles-Guyane.

Quand je pense que tout le branle-bas observé dans certaines communautés, ne se justifie que par une volonté de combattre un instrument, il y a de quoi se poser la question sur la motivation de ces éducateurs. Aurait-on oublié que l'usage du créole dans les médias etait frappe d'interdiction et que ce n'est que récemment et de haute lutte que cette langue, commune a bien des régions est tolérée officiellement. On pourrait se poser la question qui tue, a quand des sermons en creole dans les églises antillaises, sans se voir regarde de travers ou frappé d'anathème? Car c'est une vraie question! Ceci permet de mieux comprendre les stigmates de la colonisation qui a dénaturé jusqu'à notre jugement sur nous mêmes.

Si on doit parler de culture guadeloupéenne par exemple, ne devrait on pas reconnaître qu'aujourd'hui la société guadeloupeenne dans sa composition est multiculturelle? Et ce constat est valable pour la Martinique, la Guyane, toute la caraïbe et dans tous les pays du monde. Devrais-je rappeler que la religion fait partie de l culture de tout peuple et que là où se trouve implantée l'église adventiste, elle devient une composante de la culture. Tout le probleme sera de définir plus ou moins clairement, ce qui constitue effectivement cette "culture adventiste" et comment elle s'exprime localement par rapport à un patrimoine de traditions globales.

Mais malgré tout deux grandes questions demeurent. Y aurait-il effectivement une ou des cultures adventistes?
Quel rôle devrait jouer l'église adventiste au sein de la société dont elle partage et forme la culture? (À suivre)

Œil de boeuf
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